Le télescope spatial James Webb assiste en direct à la destruction d’un océan terrestre tous les mois
Une équipe internationale impliquant des scientifiques de l’Institut d’Astrophysique Spatiale (CNRS et Université Paris-Saclay), de l’IRAP, de l’ISMO et du LERMA vient de mettre en évidence la destruction et la reformation d’une grande quantité d’eau dans le disque protoplanétaire “d203-506” situé au cœur de la nébuleuse d’Orion. Cette découverte a été rendue possible par une approche pluridisciplinaire originale combinant des observations du télescope spatial JWST et des calculs de physique quantique. Cette étude, effectuée dans le cadre du programme Early Release Science (ERS) PDRs4All¹ et dirigée par Marion Zannese, doctorante à l’Institut d’Astrophysique Spatiale, vient d’être publiée dans la revue Nature Astronomy.
Le rayonnement ultraviolet intense produit par des étoiles massives entraîne la destruction et la reformation de l’eau dans d203-506, ce qui en fait un véritable laboratoire interstellaire.Lors de la destruction de l’eau (H₂O) par l’ultraviolet, une molécule d’hydroxyle (OH) est libérée avec une excitation rotationnelle très forte, suivie de l’émission de photons dans l’infrarouge moyen. Au total on estime que l’équivalent d’un océan terrestre est ainsi détruit tous les mois dans le jeune système d203-506. Grâce aux observations dans l’infra-rouge proche, JWST nous révèle également que l’hydroxyle est produit en abondance à partir de l’oxygène atomique par la réaction O+H₂. Or l’hydroxyle est justement un intermédiaire clé dans la formation de l’eau puisqu’il réagit ensuite avec H₂ pour former l’eau par la réaction OH+H₂. Le cycle est bouclé. Une partie de l’eau constituant nos océans pourrait être passée par un tel cycle.
Cette chimie active de l’eau a été détectée avec le télescope spatial James Webb (JWST), vers “d203-506” grâce à une collaboration étroite avec des experts en dynamique quantique de Madrid, de Salamanque et de Leiden. Par ailleurs, la réduction des données JWST/MIRI-MRS, l'instrument qui a permis la détection de la molécule OH, a été réalisée au centre d'expertise français MIRI, avec le soutien du CNES et de l'ANR-labcom INCLASS entre l'IAS et la société ACRI-ST.
¹ PDRs4All (https://pdrs4all.org/) est l'un des treize programmes préliminaires exploratoires, dit Early release science sélectionnés par la NASA pour démontrer les capacités du JWST rassemblant un consortium international.
Liens :
- Communiqué de presse de l’Université Paris-Saclay
- Article dans Nature: Zannese, M., Tabone, B., Habart, E. et al. OH as a probe of the warm-water cycle in planet-forming disks. Nat Astron (2024). DOI: 10.1038/s41550-024-02203-0
Contacts à l’IAS : Marion Zannese, Benoit Tabone, Émilie Habart
À gauche et au centre : le jeune disque d203-506 enfoui dans la Nébuleuse d’Orion vu par le JWST ©NASA/ESA/CSA/PDRs4All/Salomé Fuenmayor. À droite : Animation illustrant comment la formation et destruction de l’eau a pu être révélée par les observations JWST (cliquer sur l'image pour démarrer l'animation). © M. Zannese