COSIMA, instrument de Rosetta, lève le voile sur la composition de la comète 67P
Une équipe scientifique internationale impliquant des chercheurs de l'IAS a déterminé la composition élémentaire des poussières de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, explorée par la mission spatiale européenne Rosetta. Ces mesures, obtenues par l'instrument COSIMA, révèlent l'un des matériaux les plus riches en carbone et les moins altérés jamais explorés. Ce carbone cométaire se trouve essentiellement sous forme de matière organique macromoléculaire et c'est donc principalement sous cette forme qu'il a pu être amené sur la Terre primitive par les comètes.
La sonde spatiale européenne Rosetta a navigué pendant deux ans autour du noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko et l'a scrutée dans les moindres détails. Plus d'un an après la fin de la mission en septembre 2016, elle nous a déjà livré une multitude d'informations sur cette comète et son activité : sa taille, sa masse, la nature et les proportions d'une partie des molécules présentes sous forme gazeuse dans la chevelure de la comète (vapeur d'eau, dioxyde et monoxyde de carbone, dioxygène, et une multitude de petites molécules organiques, c'est-à-dire composées principalement de carbone, d'hydrogène, d'azote et d'oxygène). L'apparence de son noyau est maintenant connue presque dans les moindres détails. Sa surface est très sombre, très pauvre en glaces, changeante, et présentant une morphologie complexe (des failles, des falaises, des gouffres etc...), mais le détail de sa composition chimique et en particulier, la quantification de son contenu carboné supposé être au moins en partie à l'origine de cette couleur sombre, restait jusqu'ici objet de débat et d'hypothèses.
COSIMA est un instrument se trouvant à bord de la sonde Rosetta. Il est sous responsabilité allemande (MPS Göttingen) avec une forte contribution instrumentale et scientifique française. L'instrument avait pour tâche de collecter les poussières sub-millimétriques éjectées par le noyau de la comète, de les photographier (microscope COSISCOPE, dont l'IAS est responsable), puis d'en analyser une partie par spectrométrie de masse à ionisation secondaire (TOF-SIMS). Un an après avoir montré que la poussière de la comète contenait un matériau carboné de structure macromoléculaire, l'équipe scientifique de l'instrument COSIMA a pu déterminer la composition élémentaire moyenne de ces poussières et ainsi déduire que ce matériau carboné macromoléculaire représente près de la moitié de la masse de ces particules cométaires. L'autre moitié est constituée essentiellement de minéraux silicatés anhydres. Les mesures de COSIMA qui se sont étalées tout le long des deux années de la mission Rosetta montrent également que toutes les poussières analysées présentent une composition similaire, quelle que soit leur date de collecte, leur taille ou leur morphologie, ce qui laisse penser qu'il s'agit là d'une propriété générale à tout le noyau cométaire.
Fig. 1 : À gauche, la surface du noyau cométaire vue par la sonde Rosetta. Les glaces condensées sous la surface s'échappent des profondeurs de la comète lorsque celle-ci est réchauffée à l'approche du Soleil. Les émissions de gaz produits entraînent avec eux de petites particules de matière qui peuvent être collectées et analysées à l'intérieur de la sonde Rosetta. À droite, une image de COSISCOPE, le microscope de l'instrument COSIMA conçu et fabriqué à l'IAS. Cette photo montre une cible de collecte (1 cm × 1 cm) avec de minuscules fragments du noyau l'ayant impactée, de tailles allant jusqu’au millimètre. Crédits : à gauche ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS / UPD / LAM / IAA / SSO / INTA / UPM / DASP / IDA, à droite : ESA / Rosetta / MPS for COSIMA Team MPS / CSNSM / UNIBW / TUORLA / IWF / IAS / ESA / BUW / MPE / LPC2E / LCM / FMI / UTU / LISA / UOFC / vH&S.
Les comètes comme 67P (ou précédemment la comète Halley), sont donc parmi les objets les plus riches en carbone du Système Solaire. Les résultats obtenus à partir des mesures de COSIMA donnent un rapport d'abondance carbone sur silicium (C/Si) très proche du rapport solaire et indiquent l'absence d'une hydratation notable des phases minérales. Ces informations signent la nature primitive de la comète. Celle-ci a préservé quasiment intacte la matière qui s'est accrétée et lui a donné naissance. Les comètes sont donc bien une certaine forme de mémoire préservée de l'histoire ancienne de notre Système Solaire.
Fig. 2 : À gauche : la composition élémentaire moyenne des particules de poussière de la comète 67P. À droite : la répartition moyenne en masse des minéraux et du matériau organique dans ces poussières. Crédits : ESA / Rosetta / MPS for COSIMA Team MPS / CSNSM / UNIBW / TUORLA / IWF / IAS / ESA / BUW / MPE / LPC2E / LCM / FMI / UTU / LISA / UOFC / vH&S.
Par ailleurs, au-delà de la grande diversité moléculaire observée pour la matière organique détectée en phase gazeuse, ces gaz et les glaces sublimées qui en sont à l'origine ne représentent qu'une très faible fraction de la matière cométaire totale. L'essentiel de la matière cométaire est constitué par le mélange intime de minéraux et de matière carbonée semi-réfractaire qui est mesuré dans les poussières. Ainsi, les résultats de COSIMA montrent que la plus grande partie de la matière organique de la comète 67P se trouve sous la forme de matière carbonée macromoléculaire. En conséquence, si les comètes ont joué un rôle dans l'apparition de la Vie sur notre planète en y apportant en particulier de la matière riche en carbone, c'est sous cette forme macromoléculaire complexe qu'elle y aura été essentiellement amenée. Ce résultat va dans le même sens que les analyses de laboratoire d’échantillons extra-terrestres collectés sur Terre (météorites, micrométéorites et particules de poussières interplanétaires), même si ces derniers ont vu leurs composantes carbonées sans doute en partie altérées par la rentrée atmosphérique.
Référence :
Bardyn A., Baklouti D., Cottin H., Fray N., Briois C., Paquette J., Stenzel O., Engrand C., Fischer H., Hornung K., Isnard R., Langevin Y., Lehto H., Le Roy L., Ligier N., Merouane S., Modica P., Orthous-Daunay F.-R., Rynö J., Schulz R., Silén J., Thirkell L., Varmuza K., Zaprudin B., Kissel J. and Hilchenbach M. (2017). Carbon-rich dust in comet 67P/Churyumov-Gerasimenko measured by COSIMA/Rosetta. Month. Not. Roy. Astr. Soc. 469, S712. DOI:10.1093/mnras/stx2640
Communiqué de presse CNRS : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/5341.htm
Actualité Univ. Paris-Sud : http://www.actu.u-psud.fr/fr/recherche/actualites-2017/rosetta-livre-de-...
Contact à l'IAS : Donia Baklouti